jeudi 5 février 2009

Pile ou face? (Partie 3)

Le bus s’arrêta enfin et je m’extirpais de ma place en traînant mes valises. A priori, je n’aurais pas à marcher très longtemps pour atteindre mon immeuble, qui était deux rues plus loin. Si à première vue, la distance semblait relativement courte, le poids de mes valises la rendait quasiment insurmontable et j’étais en nage quand j’arrivais enfin devant la porte du bâtiment. Je jetais alors un coup d’œil sur l’endroit où j’allais vivre à présent. L’immeuble était à couper le souffle : de style haussmannien, sa porte en bois était immense et la multitude de fenêtres qui couraient jusqu'à son sommet me donnait le vertige ; il y avait même de petites lucarnes sur le toit, comme si quelqu’un avait collé tellement d’autocollants sur un cahier qu’on ne distinguait même plus sa couleur d’origine. J’entrais précautionneusement à l’intérieur du bâtiment, comme si j’entrais dans quelque lieu de culte et tapais doucement sur la porte de la loge du concierge.
Un petit homme à l’air furibond en sortit : « C’est pour quoi ?! ».
Je répondis, fébrile : « Euh…J’emménage ici aujourd’hui ». Il me jaugea rapidement puis un sourire désagréable se dessina lentement sur ses lèvres : « Oui…On m’a prévenu de votre arrivée ». Un silence s’installa. Mal à l’aise, je toussotais et tentais un : « Je suppose que je dois emprunter cet escalier ». Le concierge leva les yeux vers l’endroit que j’avais pointé du doigt et son rire fusa tout à coup, me laissant l’amère impression qu’il se foutait de ma gueule.
« Non, non » glapit-il tout à coup. « Votre escalier est derrière la porte au fond à gauche ». Sans autre forme de procès, il referma la porte de sa loge en s’essuyant les yeux.
Quelque peu vexée, je me dirigeais d’un air déterminé – ne perdons pas la face – vers la porte qu’il m’avait indiqué et l’ouvrit d’un geste brusque. Je vis alors un étroit escalier en bois qui montait abruptement en colimaçon jusqu’à un dernier étage que je ne distinguais qu’à peine en levant la tête à la verticale. Les murs étaient d’une saleté sans nom et j’entendais des éclats de voix fuser d’un étage un peu haut.
Il semblerait bien que ma nouvelle vie ne commence pas vraiment telle que je l’avais rêvé.

dimanche 1 février 2009

Pile ou face? (Partie 2)

En effet, je n’avais jamais été satisfaite de la façon dont les gens me voyaient. Que ce soient des inconnus, mes professeurs, mes amis et même ma famille, je passais toujours pour la gentille fille toujours prête à rendre service, à se sacrifier pour le bien de tous. Mais cette fille n’avait jamais existé. Je m’étais toujours pliée bon gré mal gré aux exigences de tous afin de sentir que j’étais utile à quelqu’un, de sentir que j’avais ma place ici-bas…jusqu’à ce que je me rende compte que j’étais purement et simplement manipulée par mon entourage. Cette époque est révolue. Plus jamais je ne me laisserais utiliser de la sorte. Terminées les concessions et les demi-mesures.
Dans cette nouvelle ville, personne ne savait qui j’étais et ce n’était tout de même pas écrit sur mon front que je me fais facilement rouler…si ?
Quoi qu’il en soit, j’entamais véritablement un nouveau départ et je ne pouvais que m’en réjouir. Je me souviens encore de la jubilation qui m’avait envahie lorsque j’avais reçu ma confirmation d’acceptation dans une école de commerce parisienne. Enfin, j’allais pouvoir m’échapper de cette vie que je détestais ! Après d’interminables négociations ponctuées d’humiliantes supplications, mes parents avaient accepté que je parte m’installer à la capitale et étaient même allés jusqu’à me louer un petit studio. J’allais donc finalement connaître les joies de l’indépendance.

Pile ou face? (Partie 1)

Voici la première partie d'une histoire que je suis en train d'écrire. J'essaierais de poster la suite régulièrement! :)


Remettre sa vie au hasard, voilà une idée qui me tente. Pile je continue, face je rentre. Si je vois deux voitures rouges d’ici le prochain feu, j’arrête tout. Ne plus prendre aucune décision. Le bus filait et mes pensées avec. Un jour de plus où je me demande ce que je fais ici, où cela me conduit-il et ce qui se passera une fois que j’y serais. Encore et toujours ces satanées décisions à prendre. Et une seule véritable idée en tête : ne pas être responsable d’avoir gâché ma propre vie, la volonté irascible de ne pas se lever un matin en se disant : « eh, regardes où tu en es ! Et tout ça, c’est de ta faute ». L’envie de partir avait toujours été là et je la sentais en moi plus que jamais. Maintenant que j’avais fait le premier pas, hors de question de reculer. Oui je laissais tout ce que j’avais jamais connu derrière moi mais cette vie m’étouffait et je savais au plus profond de moi que le poids que je portais depuis si longtemps s’était dissipé à l’instant où le bus avait démarré. Seulement je ne pouvais m’empêcher de me demander si j’avais pris la bonne décision.
Dès toute jeune, personne ne m’a jamais laissé le choix ou la possibilité d’émettre une opinion sur quelque sujet que ce soit. N’ayant jamais réfléchi à ce qui me plaisait vraiment, j’acquiesçais à tout et me retrouvait petit à petit enfermée dans une personnalité qui n’était pas la mienne et qui me répugnait. Toute tentative de sortie du moule qu’on avait façonné pour moi, si petite fut-elle, se soldait invariablement par un échec et se commentait d’un gentil : « Mais qu’est-ce qu’il te prend ? Ca ne te ressemble pas de réagir de cette façon ». Aujourd’hui, je me rends compte que personne ne me connaît. Même pas moi.
Ce terrible constat me donnait envie de hurler mais je restais silencieuse, ne préférant pas attirer l’attention sur moi. Rester dans le moule, encore et toujours. Celui de ma personnalité usurpée, celui de la société, qu’importe ; simplement des moules dans lesquels on doit rentrer sans se poser de questions sous peine d’être considéré comme le mouton noir du troupeau.
Paris. La ville où j’allais repartir de zéro. Personne ne me connaissait ici, c’était parfait.